La diffamation

Publié le 15 novembre 2024

Vous faites l’objet d’allégation ou d’imputation d’un fait qui porte atteinte à votre réputation et vous souhaitez porter plainte ?

Que les propos en cause aient été tenus dans un cadre privé ou public, vous êtes peut-être victime d’un cas de diffamation. Les délais de prescription en la matière sont abrégés. Il convient d’agir rapidement avec l’assistance d’un professionnel compétent.

Vous êtes influenceur, blogueur ou vous avez tout simplement des convictions que vous souhaitez partager au nom de la liberté d’expression ? Vous devez agir avec discernement, à défaut vous pourriez engager votre responsabilité.

I. La genèse de la loi sur la liberté de la presse

Les infractions commises par voie de presse ou tout autre moyen de communication relèvent de la loi du 29 juillet 1881.

La liberté d’expression et son corollaire, la liberté d’opinion, s’inscrivent dans le prolongement de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui prévoit que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

Née dans le contexte insurrectionnel du soulèvement des communes et notamment la commune de Paris, la loi du 29 juillet 1881 instaure un régime libéral. Ce texte novateur sur la liberté de la presse est voté par le Parlement, sous la IIIème République, avec un large soutien.

Elle inverse la logique préventive qui régnait jusqu’alors en mettant fin à la censure. La disparition de la contrainte financière à travers la suppression du mécanisme de cautionnement (article 5) favorise l’émergence de nouvelles publications. Cette loi définit le cadre légal relatif à toutes les publications.
L’exercice des libertés d’expression et d’opinion bénéficie aujourd’hui d’une protection constitutionnelle. Le contentieux relatif à la diffamation a généré de nombreuses questions prioritaires de constitutionnalité.

Mais attention, si les individus peuvent s’exprimer librement et sans crainte de sanction, la loi de 1881 protège également les citoyens contre les abus, afin de garantir le principe de dignité et instaurer un juste équilibre. La liberté d’expression n’est donc pas absolue.

La genèse de la loi sur la liberté de la presse

Elle trouve ses limites dans l’incrimination de certains comportements au titre desquels figure la diffamation envers les particuliers (article 32). Le régime de cette infraction répond à des règles procédurales dérogatoires, enfermées dans des échéances brèves. Le délai pour agir est de trois mois à compter de la première publication (article 39).

Le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 s’intitule « Des crimes et délits commis par la voie de presse ou tout autre moyen de publication ». A l’ère d’internet et des réseaux sociaux, il suffit d’un clic pour qu’une publication devienne virale. Le caractère instantané de la diffusion impose la prudence car la situation préjudiciable peut rapidement échapper et devenir hors de contrôle.

Que vous soyez mis en cause ou victime, il est indispensable de vous rapprocher d’un avocat rapidement sur ce point. Ce dernier vous conseillera sur la stratégie la plus opportune à adopter : plainte avec constitution de partie civile ou saisine de la juridiction par voie de citation directe et modalité de conservation des éléments de preuve.

II. La distinction entre diffamation et infractions voisines

Le comportement reproché doit faire l’objet d’une incrimination par le Code pénal pour être sanctionné par l’État en vertu du principe de légalité criminelle. À défaut, la réponse judiciaire reste toutefois possible entre les parties, uniquement sur le plan civil.

La diffamation est proche d’autres infractions qu’il convient de distinguer.

1. L’injure (article R 621-2 et 433-5 du Code pénal).

L’injure relève du Code pénal

L’article 29 alinéa 2 de la loi de 1881 dispose que « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ».
Exemples : cinglée, cochon(nne)

2. Le dénigrement

Le dénigrement est, quant à lui, un concept civil défini par la jurisprudence. Il est défini comme le discrédit dirigé contre un produit ou un service proposé par une personne physique ou morale dans l’intention de lui nuire. Le dénigrement peut exprimer une forme de concurrence déloyale mais la position de concurrent n’est pas indispensable.

L’action sera ici menée sur le fondement de l’article 1240 du Code civil qui prévoit que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Exemple : laisser un avis faux sur internet pour nuire à une société

Le dénigrement

3. La dénonciation calomnieuse

Selon le Code pénal, la dénonciation calomnieuse consiste en la dénonciation : « d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact » (article 226-10)
Exemple : accuser un commissaire de justice de détournement de fonds alors que la procédure de recouvrement est infructueuse.

III. La mise en demeure, préalable à l’action judiciaire

Vous pouvez adresser une mise en demeure à l’auteur, à l’hébergeur du site internet ou au directeur de la publication d’avoir à retirer ou rectifier les propos litigieux. Vous disposez, par ailleurs, d’un droit de réponse.

Il est possible de demander la levée de l’anonymat sur internet pour une personne s’exprimant sous couvert d’un pseudonyme.

IV. L’infraction de diffamation

Issue des articles 29 et suivants de la loi du 29 juillet 1881, la diffamation implique la réunion de deux éléments :

1. Un élément matériel

L’élément matériel de la diffamation s’articule autour de plusieurs critères :

  • L’imputation ou l’allégation d’un fait déterminé
  • Le fait allégué doit porter atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne
    Exemple : affirmer qu’un collègue ou un salarié est incompétent
  • Cette personne doit être identifiée ou identifiable. Il ne faut pas nécessairement que la personne diffamée soit nommée.
    Exemple : le chef de service des ressources humaines de l’entreprise X

2. Un élément moral ou intentionnel

L’auteur de la diffamation doit avoir conscience de porter atteinte à l’honneur ou à la considération du diffamé.

L’infraction de diffamation

V. Moyens de défense et faits justificatifs.

1. L’exception de vérité ou exceptio veritatis

L’article 35 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit que « la vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne ».

Compte tenu des exigences des juges en matière de preuve ainsi que du formalisme procédural lourd, l’exception de vérité est rarement admise.

Enfermée dans un délai très court, elle doit être soulevée dans le délai de dix jours à compter de la citation visant les faits de diffamation et impose une élection de domicile dans le ressort de la juridiction saisie, sous peine de déchéance du droit de rapporter la preuve.

2. La bonne foi

L’excuse de « bonne foi » est une création jurisprudentielle destinée à contourner les difficultés posées par l’exception de vérité.

La mauvaise foi de l’auteur de propos diffamatoires est présumée. Il est cependant possible pour le prévenu de rapporter la preuve contraire en démontrant, dans un premier temps, la légitimité du but poursuivi, à laquelle viennent s’ajouter la mesure et la prudence des propos en cause, l’absence d’animosité personnelle ainsi que la vérification de la ou des sources à l’origine des propos.

La loi opère également une distinction de contexte, qui va influencer la qualification de l’infraction et, par conséquent, la peine correspondante. L’infraction de diffamation peut être réalisée dans un cadre privé ou dans un cadre public.

Moyens de défense et faits justificatifs.

VI. Les sanctions

La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) n’est pas compétente pour connaître de la diffamation.

Les sanctions pénales

Les sanctions pénales sont prononcées par le tribunal de police ou le tribunal correctionnel, le cas échéant. La diffamation publique est plus lourdement sanctionnée.

1. La diffamation privée

La diffamation non publique constitue une contravention. Il s’agit, par exemple, de propos tenus entre deux personnes lors d’un échange de SMS ou de courriels. Elle est punissable d’une contravention de 5ème classe.

2. La diffamation publique

La diffamation publique relève, quant à elle, de la qualification délictuelle. Le caractère public est établi en matière de radio, télévision et internet. Il peut également s’agir de propos tenus à voix haute lors d’une réunion, d’invectives sur la voie publique.

La Cour de cassation reconnait que la loi de 1881 est applicable aux réseaux sociaux. Le caractère public ou non sera déterminé par le paramétrage du compte. La publication était-elle accessible à tous ou seulement à un groupe lié par une communauté d’intérêts ?

Le montant de l’amende est porté dans ce cas à 12 000 euros.

3. Les circonstances aggravantes

Les circonstances aggravantes sont des circonstances qui augmentent le caractère de gravité de l’infraction ; en la matière, il s’agit des diffamations :

  • en raison de la qualité ou la fonction
    Le fait de proférer les propos diffamatoires à l’encontre d’un élu, d’un magistrat, d’un inspecteur du travail, d’un policier, d’un douanier ou de tout autre agent public en raison de ses fonctions est une circonstance aggravante.
  • propos diffamatoires à caractère discriminatoire
    Est également une circonstance aggravante le fait de proférer des propos diffamatoires ayant un caractère raciste, sexiste, homophobe ou handiphobe.
    En matière de diffamation publique, le montant de l’amende est porté, dans ce cas, à 45 000 euros et son auteur s’expose à une peine privative de liberté pouvant aller jusqu’à un an.

Les sanctions civiles (la demande de dommages et intérêts).

Il est indispensable de vous rapprocher d’un avocat afin de faire respecter vos droits.

L’amende est prononcée au bénéfice de l’Etat. Si vous souhaitez obtenir des dommages et intérêts, il convient de formuler une demande d’indemnisation en vous constituant partie civile devant la juridiction pénale chargée d’examiner la culpabilité de l’auteur des faits.

En fonction des circonstances, vous pouvez également introduire une action civile devant le Tribunal judiciaire sur le fondement du trouble manifestement illicite.

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