Abandon de poste : ce qu’il faut savoir

Le 12 janvier 2022 par Florence SIX,

ACTUALITE JURIDIQUE

L’abandon de poste est souvent l’ultime recours du salarié qui souhaite mettre un terme à son contrat de travail sans démissionner. En effet, contrairement à la démission, l’abandon de poste permet au salarié de bénéficier de l’ARE (allocations de retour à l’emploi). Rappelons que l’indemnisation pôle emploi est soumise à plusieurs conditions applicables au bénéficiaire notamment : être dans une situation de chômage involontaire ; ne pas avoir atteint l’âge légal du départ à la retraite ; être inscrit en tant que demandeur d’emploi dans les douze mois qui suivent la perte d’un travail ; rechercher activement un emploi. Il existe d’autres modes de rupture du contrat de travail permettant au salarié de percevoir l’ARE, mais ils nécessitent l’accord de l’employeur (rupture conventionnelle) ou bien une décision de justice (prise d’acte). L’abandon de poste est une situation délicate pour l’employeur mais aussi pour le salarié car elle impacte la bonne organisation de l’entreprise et peut avoir des conséquences financières importantes pour le salarié. Quels sont les recours de l’entreprise face à cette situation ? Quels sont les risques pour le salarié ? Ce guide pratique répond à toutes vos questions !

 

Abandon de poste : de quoi parle t-on ?

 

L’abandon de poste est la situation dans laquelle un salarié quitte son poste de travail sans l’autorisation de son employeur de façon prolongée et répétée sans justifier ses absences. L’abandon ne doit pas être confondu avec la démission du salarié. Le salarié qui démissionne décide seul de mettre fin à son contrat de travail. De plus, la démission ne s’applique qu’aux CDI, contrairement à l’abandon de poste qui peut s’appliquer indifféremment aux CDI et aux CDD. Enfin, la démission est  exprimée de manière claire et non équivoque alors que l’abandon de poste fait suite à l’absence soudaine et prolongée du salarié.

 

L’abandon de poste ne doit pas non plus être confondu avec la prise d’acte du salarié. La prise d’acte désigne la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié du fait de l’employeur. Le salarié rompt son  contrat de travail et impute cette rupture à l’employeur en raison du comportement grave comme  le non-paiement des salaires ou des comportements interdits par le code du travail tels que le harcèlement ou des situations de discriminations. La prise d’acte suppose que le salarié saisisse le conseil de prud’hommes.

 

Comment l’employeur peut-il réagir face à un abandon de poste ? 
 

L’employeur doit d’abord vérifier qu’il existe des motifs d’absence légitime du salarié. Il doit être vigilant à ne pas tirer de conclusions hâtives de l’absence prolongée d’un salarié pour ne pas qualifier à tort de situation d’abandon de poste une situation qui ne l’est pas. Il doit ensuite informer le salarié par écrit. En l’absence de justifications du salarié, l’employeur peut mettre en demeure ce dernier de reprendre son travail. La mise en demeure est une étape importante car elle est une notification officielle envoyée par l’employeur constatant la date du début de l’absence du salarié. Ce document rappelle qu’un salarié doit justifier son absence dans les meilleurs délais ou bien reprendre son poste.

 

La troisième étape consiste à mettre en place une procédure disciplinaire. L’employeur va notifier au salarié une faute ou un manquement à une règle de l’entreprise ou à une obligation de son contrat de travail. Autrement dit, l’employeur informe le salarié fautif par écrit (courrier recommandé avec accusé de réception) qu’une procédure disciplinaire est enclenchée à son encontre. L’échelle des sanctions peut aller de l’avertissement jusqu’au licenciement. L’employeur doit toutefois veiller à ne pas dépasser un délai de 2 mois à compter de la constatation de l’absence pour mener la procédure disciplinaire à son terme. Après 2 mois, l’employeur ne peut plus ni sanctionner ni licencier le salarié.

 

Procédure de licenciement pour abandon de poste : quelles sont les étapes ?

 

La procédure de licenciement se décompose en 4 étapes : l’envoi d’une mise en demeure par l’employeur au salarié ; la convocation du salarié à un entretien préalable ; l’entretien préalable au licenciement et la notification du licenciement.

 

1ère étape : l’employeur envoie une mise en demeure au salarié par courrier recommandé avec accusé de réception. Sans réponse du salarié, l’employeur peut déclencher une  procédure de licenciement pour faute grave.

 

2ème étape :  le salarié doit être convoqué par l’employeur à un entretien préalable au licenciement par lettre recommandée ou lettre remise en main propre dans un délai de 2 mois.

 

3ème étape : l’entretien préalable qui doit se dérouler dans les 5 jours ouvrables au plus tard après la réception de la convocation par le salarié. Au cours de cet entretien, l’employeur indique au salarié les raisons pour lesquelles il envisage de le licencier et recueille les explications du salarié. Sachez que le salarié peut se faire assister durant l’entretien.

 

4ème étape : si à l’issue de l’entretien préalable, l’employeur décide de poursuivre la procédure de licenciement pour abandon de poste, il doit notifier sa décision par courrier en recommandé avec avis de réception au salarié.

 

Le courrier indique le ou les motifs invoqués à l’appui de la rupture.

 

Au moins 2 jours ouvrables doivent s’écouler entre l’entretien préalable et l’expédition de la lettre de licenciement et, au plus tard 1 mois après l’entretien préalable.

 

L’employeur peut-il suspendre le versement du salaire ? 

 

Oui mais uniquement après avoir déclenché la procédure de licenciement pour abandon de poste.

 

A défaut, l’employeur s’expose à des risques importants puisque le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes pour faire acter la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ou la résiliation judiciaire du contrat.
 

Quels sont les risques pour le salarié ?

 

En cas d’abandon de poste, le salarié s’expose à différents risques. En effet, si l’abandon de poste permet au salarié de bénéficier des allocations chômage, cette situation allonge les délais de carence. Le début de l’indemnisation d’un salarié licencié pour abandon de poste est ainsi différé. 

 

Autre risque important : la perte de revenus. La procédure de licenciement pour faute grave permet à l’employeur de suspendre le versement de la rémunération du salarié qui n’occupe plus son poste de travail et le salarié ne perçoit aucun droit à l’allocation chômage tant que la procédure n’a pas été menée jusqu’à son terme.

 

Le salarié est donc dans une situation “ hybride ” car il continue d’être le salarié de son employeur en dépit de son abandon de poste. Il ne peut donc pas occuper un autre poste ailleurs car son contrat de travail n’est pas définitivement rompu tant que la procédure est en cours. Il ne peut donc pas compenser son absence de revenus.

 

Enfin, dernière situation contraignante pour le salarié : l’hypothèse dans laquelle l’employeur refuse de le licencier. Le salarié continue alors de faire partie des effectifs de l’entreprise mais sa rémunération est suspendue et les documents de fin de contrat (solde de tout compte et certificat de travail), nécessaires pour s’inscrire à Pôle emploi, ne lui sont pas remis. 

 

Faute simple ou faute grave : quelles conséquences pour le salarié?

 

L’abandon de poste peut donner lieu à différents motifs de licenciement. 

 

Si le salarié reprend son poste après la mise en demeure, l’employeur peut le licencier pour faute simple ou absence injustifiée. Dans ce cas, le salarié doit  effectuer son préavis de licenciement et perçoit des indemnités de licenciement et de congés payés. Lorsque le préavis ne peut être effectué, le salarié perçoit également une indemnité de préavis.

 

Si l’employeur, après avoir mis en demeure son salarié de revenir occuper son poste, constate que l’absence prolongée du salarié cause une désorganisation dans l’entreprise, il peut décider de licencier le salarié pour faute grave. Dans ce cas, le salarié ne perçoit pas d’indemnité de préavis mais perçoit son indemnité compensatrice de congés payés.

 

Qu’il s’agisse de la faute grave ou de la faute simple, sachez que le salarié licencié pour abandon de poste est éligible au bénéfice de l’ARE. 

 

N’hésitez pas à contacter un avocat, membre du réseau GESICA, pour vous conseiller et vous assister. Notre réseau International d’Avocats est à votre disposition pour vous accompagner dans la réalisation des démarches nécessaires.

 

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