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L’obligation de sécurité de l’exploitant du domaine skiable au regard des accidents de collision des usagers

Le par Maître Stéphanie BAUDOT, EGIDE AVOCATSCÎMES

Selon une étude publiée en 2016, les accidents de ski alpin ont augmenté de 30% en 10 ans ; la cause de cette augmentation réside peut-être dans l’engouement pour le ski alpin, conjugué à une maitrise parfois insuffisante de l’usager et à l’évolution du matériel de glisse.

Dans son RAPPORT SUR LA QUESTION DES RISQUES EN MATIERE DE SPORTS DE MONTAGNE de mai 2019, l’Ecole Nationale des Sports de Montagne indique qu’entre 2010 et 2018, les accidents les plus graves survenus pour les usagers des domaines skiables sont les collisions (contre un obstacle, ou dans une proportion plus faible, entre usagers).

La jurisprudence rappelle régulièrement que « le ski constitue une activité qui n’est pas dénuée de danger et qu’il appartient à tout skieur de pratiquer cette activité en adaptant sa vitesse et en contrôlant sa trajectoire » (TJ GAP du 7 aout 2023, mais aussi TJ CHAMBERY du 15 février 2021, TJ TARBES du 7 décembre 2021, CA VERSAILLES du 5 novembre 2020, CA PAU du 6 octobre 2020 et CA AIX-EN-PROVENCE du 12 mai 2022) ; mais l’exploitant du domaine skiable reste tenu d’une obligation de sécurité vis-à-vis de ses usagers.

L’obligation de sécurité de l’exploitant du domaine skiable lors de la chute ou de la collision de l’usager :

L’exploitant du domaine skiable est débiteur, vis-à-vis de ses usagers, d’une obligation de sécurité : il doit savoir prévenir, par des précautions convenables, les accidents, signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les skieurs doivent personnellement, par leur prudence, se prémunir.

L’obligation de sécurité dont l’exploitant du domaine skiable est débiteur est une obligation de moyens ; elle implique pour lui de prendre toutes les mesures utiles pour limiter les risques de chute, de blessure et les aléas dangereux.

Et en cas d’accident, il appartiendra alors à l’usager victime de rapporter la preuve d’une faute de l’exploitant ayant un lien de causalité direct avec la survenance de l’accident.

A contrario, lorsque l’exploitant est débiteur d’une obligation de résultat (sur le trajet en ligne d’un télésiège, par exemple), la seule survenance de l’accident engage sa responsabilité et l’exploitant ne pourra s’en dégager qu’à condition de rapporter la preuve de la faute de la victime ayant les caractéristiques de la force majeure (évènement soudain, imprévisible et irrésistible).

Les différentes collisions accidentelles de l’usager :

Le préjudice corporel subi par le skieur peut avoir pour origine une collision contre un élément naturel, un obstacle créé par le fait de l’homme ou un autre usager.

Lorsque l’accident résulte de la collision entre plusieurs usagers, c’est la responsabilité pour faute (article 1240 du code civil) de l’usager responsable (notamment au regard des 10 règles du skieur de la FIS) qui sera recherchée.

Lorsque l’accident résulte de la collision contre un élément naturel (arbre, rocher, fossé…), la victime va souvent rechercher la responsabilité de l’exploitant en invoquant une faute dans l’absence de protection de l’élément naturel en cause.

Or, la jurisprudence est constante s’agissant de la collision contre un élément naturel : « Il ne saurait être exigé de l’exploitant de baliser et signaler tous les obstacles et dangers éventuels du milieu naturel » (TJ GAP du 7 aout 2023, mais aussi CA CHAMBERY du 16 juin 2023).

Il a encore été rappelé que lorsqu’une piste est tracée au milieu d’une forêt, « il ne saurait être exigé de l’exploitant du domaine skiable qu’il sécurise la piste sur toute la longueur dès lors qu’elle est bordée d’arbres et de rochers qui constituent autant d’obstacles naturels, potentiellement dangereux si un skieur venait à les percuter » (TJ GAP du 7 aout 2023, mais aussi CA CHAMBERY du 16 juin 2023).

En effet, il convient de rappeler que la pratique du ski alpin s’effectue en milieu montagnard, et que ce milieu comporte, par nature, des éléments naturels dangereux contre lesquels les usagers doivent, personnellement et par leur propre prudence, se prémunir en adaptant notamment leur vitesse et leur trajectoire. 

Seuls les obstacles naturels ayant un caractère de dangerosité anormale doivent faire l’objet d’une signalisation et d’une protection adéquates ; l’arrêt le plus connu est celui du torrent situé en contrebas de la piste (CiV 1ère du 17 février 2011 n°09-71.880, inédit). Il existe également une décision à propos de la chute d’un rocher sur une piste verte (CA AIX EN PROVENCE du 24 novembre 2010).

Enfin, l’accident peut résulter de la collision d’un usager avec un obstacle qui résulte du fait de l’homme (par exemple, l’embase d’un pylône ou d’un enneigeur, d’un bâtiment ou de tout autre élément qui n’existe pas à l’état naturel dans la montagne).

Dans ce cas, une jurisprudence constante commande à l’exploitant du domaine skiable de protéger cet obstacle, s’il se situe à proximité des pistes, afin de limiter les conséquences traumatiques pour l’usager qui viendrait à le percuter.

Ainsi, un petit bâtiment (transformateur électrique) situé à proximité de la piste doit être protégé (CA CHAMBERY du 27 juin 2013). La responsabilité de l’exploitant est engagée lors de la collision entre un usager et un enneigeur en bord de piste signalé mais non protégé (CA GRENOBLE du 18 mai 2010).

Dans la mesure où l’exploitant du domaine skiable n’est tenu à une obligation de sécurité que sur les pistes (et ainsi entre les jalons qui la dessinent), un obstacle du fait de l’homme qui n’est pas situé à proximité de la piste n’aura pas à être protégé puisque l’usager qui skie sur la piste ne doit pas pouvoir entrer en collision avec.

En synthèse, il faut retenir que les juridictions sont attentives à l’obligation de sécurité de l’exploitant du domaine skiable, « mais sans décharger pour autant le skieur, utilisateur de la piste qui se livre à une activité sportive à risques, de la prudence indispensable qui lui permet seule de se prémunir des dangers subsistants, inhérents à cette activité » (TJ GAP du 7 aout 2023, mais aussi CA CHAMBERY du 16 juin 2023).

Les exploitants sont invités à rappeler à leurs usagers les règles de sécurité et prudence élémentaires, notamment en publiant et en diffusant les 10 règles du skieurs établies par la FIS.

 

Et ne pas oublier :

La preuve, élément essentiel

L’issue judiciaire d’un accident sur le domaine skiable va largement dépendre des éléments de preuve dont disposeront chacune des parties.

Il est donc indispensable, en cas d’accident, et avant même l’éventualité d’un contentieux, de réunir un maximum d’éléments matériels permettant de rapporter la preuve du déroulé de l’accident, mais aussi la preuve de la configuration des lieux au moment de l’accident et, ipso facto, de la bonne exécution de son obligation de sécurité par l’exploitant.

La saisine judiciaire pouvant intervenir de nombreuses années après l’accident, il est impératif de disposer d’éléments de preuve de nature à justifier la bonne exécution de ses obligations de sécurité par l’exploitant.

L'auteur

Stéphanie BAUDOT

Avocat associé - Barreau de ALBERTVILLE - Barreau de EVRY/ESSONNE

DROIT CIVIL, DROIT DES CONTRATS, DROIT DE LA CONSTRUCTION, DROIT RURAL, DROIT DE LA COPROPRIETE, DROIT DE L'URBANISME, DROIT DU SPORT, DROIT IMMOBILIER


Spécialiste en :
  • Droit immobilier
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