Le délit d’initié
Publié le 12 septembre 2024
Nul besoin d’être Broker ou Trader pour commettre un délit d’initié. Vous êtes chef d’entreprise ? Gardez présent à l’esprit le proverbe selon lequel un « Homme averti en vaut deux » !
Le délit d’initié est un délit boursier instauré par le code monétaire et financier (article L 465-1 et suivant). Les sanctions encourues sont suffisamment lourdes pour que l’on s’attarde sur cette infraction complexe.
La consultation d’un avocat vous permettra de prévenir les abus et de sensibiliser vos collaborateurs à ce sujet technique. Les sanctions financières relatives à la manipulation abusive d’une information privilégiée en matière boursière sont vertigineuses mais proportionnelles aux profits réalisés.
Pour exemple, en 2023, un ancien salarié a été sanctionné par l’autorité des marchés financiers à hauteur de 700 000 euros*. La commission des sanctions de l’autorité de l’AMF a estimé que la plus-value conséquente réalisée par ce dernier avait été rendue possible par les informations portées à sa connaissance, avant la publication des résultats de l’entreprise.
Selon le code monétaire et financier constitue un délit d’initié : « le fait, en toute connaissance de cause et pour une personne disposant d’une information privilégiée, d’en faire un usage en réalisant, pour elle-même ou pour autrui, soit directement, soit indirectement, une ou plusieurs opérations, en annulant ou en modifiant un ou plusieurs ordres passés sur l’émetteur ou l’instrument financier concerné par cette information privilégiée » (article L 465-1).
Il est nécessaire de préciser que la tentative ainsi que l’incitation à commettre ce délit sont sanctionnables.
Les catégories d’initiés
L’article L 466-1 du code monétaire et financier distingue trois catégories d’initiés :
Les initiés primaires
Il s’agit des dirigeants personnes physiques, ou morales, limitativement énumérés par la loi, à savoir :
Les directeurs généraux, les présidents, les gérants, les membres du conseil de surveillance et du directoire, toute personne exerçant une fonction équivalente, ainsi que les détenteurs de participations.
Les initiés secondaires
Cette catégorie regroupe les personnes qui disposent d’une information confidentielle à l’occasion de l’exercice de leur profession ou de par leur fonction (salariés de la société, avocat, comptable, journaliste….).
Les initiés tertiaires
Cette catégorie regroupe toutes les autres personnes ayant accès à une information privilégiée.
L’élément matériel du délit d’initié : L’usage d’une information privilégiée
L’utilisation abusive d’une information confidentielle et privilégiée favorise un profit obtenu dans des conditions déloyales. L’infraction de délit d’initié porte atteinte à la transparence et à la régulation des marchés financiers en provoquant une rupture d’égalité entre les investisseurs.
La jurisprudence précise les contours de « l’information privilégiée » grâce à plusieurs critères. L’information doit être :
- précise (elle ne doit pas constituer une simple rumeur et elle doit présenter une forte probabilité de réalisation) ;
- confidentielle (absence de publicité de l’information) ;
- déterminante dans son exploitation.
L’information doit être divulguée ou communiquée. Elle peut être utilisée pour soi-même ou pour autrui et concerner une ou plusieurs opérations.
La réalisation d’un profit n’a pas d’incidence sur la constitution de l’infraction qui est réalisée au moment de l’ordre de vente ou d’achat.
L’élément intentionnel du délit d’initié – L’intention coupable
En matière de délit d’initié, il convient non seulement de rapporter le preuve de la connaissance du caractère privilégié de l’information mais également de la volonté de l’utiliser ou la communiquer.
La connaissance de l’information doit être préalable au lancement d’ordre de vente ou d’achat.
Les autorités compétentes en matière de poursuites
La répression est assurée par une organisation originale composée du parquet national financier (PNF) pour le délit d’initié et de l’autorité des marchés financiers (AMF) pour le manquement d’initié pendant administratif de l’infraction pénale.
Le parquet national financier et l’autorité des marchés financiers ne peuvent connaître des mêmes faits. L’articulation entre ces deux institutions est prévue par l’article L 465-3-6 du code monétaire et financier.
Le PNF
Le code de procédure pénale prévoit en son article 705 une compétence particulière du parquet national financier (PNF) en matière de délit d’initié. Composé de 19 magistrats de l’ordre judiciaire, ce parquet spécialisé, à compétence nationale, traite des affaires de délinquance financière. L’analyse collégiale des dossiers est privilégiée.
Le parquet national financier doit impérativement consulter la commission de l’autorité des marchés financiers pour avis avant d’engager les poursuites à l’encontre du mis en cause. La procédure par voie de citation directe est par conséquent exclue en cette matière.
L’AMF
L’autorité des marchés financiers est une autorité indépendante qui veille au bon fonctionnement des marchés financiers. Elle dispose d’un pouvoir d’enquête, de contrôle et de sanction. Elle est compétente, entre autres, en matière de délit d’initié.
La commission des sanctions est autonome. Organe mixte composé de magistrats professionnels (deux conseillers d’état et deux conseillers à la cour de cassation) et de professionnels issus du monde de la finance, elle instruit et sanctionne les pratiques contraires aux lois et règlements qui relèvent de sa compétence.
Elle est présidée par l’un des magistrats élus au sein de ceux siégeant à la commission.
Soucieuse de communiquer, la commission met à disposition sur son site un guide de prévention à destination des sociétés cotées (recommandation AMF n° 2010 – 07).
Le PNF et l’AMF ne peuvent agir cumulativement. Cependant, il résulte de l’article L 466-1 du code monétaire et financier que l’AMF doit être obligatoirement consultée par le parquet dans le cadre de poursuites en matière de délit d’initié.
Rappelons enfin que la prescription en matière délictuelle est de six années à compter du jour de la commission de l’infraction (article 8 du code de procédure pénale).
Les sanctions applicables au délit d’initié
Le délit d’initié est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 100 millions d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple du montant de l’avantage retiré du délit, sans que l’amende puisse être inférieure à cet avantage (Article L 465 – 1 du code monétaire et financier).
En outre, la personne morale reconnue coupable du délit d’initié s’expose aux peines complémentaires suivantes prévues à l’article 131-39 du code pénal :
- Le placement pour une durée de 5 ans au plus sous surveillance judiciaire ;
- La confiscation ;
- L’interdiction d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales, à titre définitif ou pour une durée de 5 ans au plus ;
- La fermeture définitive ou pour une durée de 5 ans au plus des établissements ayant servi à commettre les faits incriminés ;
- L’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de 5 ans au plus ;
- Ou encore l’affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci.
Sur le plan civil, dans l’hypothèse d’un préjudice, les actionnaires, l’AMF ainsi que les associations régulièrement déclarées avec un objet statutaire en lien peuvent se constituer partie civile.
*par Le Figaro avec AFP
Publié le 15/03/2023 à 19:59, Mis à jour le 16/03/2023 à 11:57
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