Devons-nous nous préparer au droit pénal allemand des sociétés ?

Le 27 novembre 2019 par Jan-F. SCHUBERT,

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ACTUALITE JURIDIQUE

Projet de loi relatif aux « sanctions des groupements »

Dans un contexte de machinations douteuses dans l’industrie automobile (« scandale du diesel »), le sujet du droit pénal des sociétés a trouvé un terrain propice dans l’accord de coalition actuel des partis au pouvoir. Un projet de loi du ministère fédéral de la justice et de la protection des consommateurs (BMJV) a été présenté, mais il n’a pas encore été mis à la disposition du public par le BMJV. La critique souvent formulée à propos de l’irrégularité systémique du droit pénal des sociétés dans le système juridique allemand est contournée en évitant le mot « punition » et en le remplaçant par le terme « sanction ». De quoi s’agit-il concrètement ?

La loi sur la sanction des « groupements » (=entreprises) s’applique lorsqu’un acte pénalement répréhensible a été commis par une entreprise soit par un membre de sa « direction » soit par une autre personne mais qui aurait pu être empêché par des mesures de conformité appropriées par sa direction ou même a été volontairement toléré lorsqu’il n’a pas été encouragé. La boucle est ainsi bouclée en ce qui concerne la responsabilité civile pour la mise en place de systèmes d’alerte préalable ou de conformité. Les infractions commises par des employés du secteur privé sont du reste sans intérêt.

Un élément déclencheur important du projet de loi est le fait que le cadre de la loi sur les sanctions administratives (OWiG), qui était déjà applicable aux entreprises, est considéré comme beaucoup trop faible pour inciter les grandes entreprises en particulier à se conformer à ces normes. Bien que des amendes puissent déjà être infligées aujourd’hui aux propriétaires d’entreprises et à l’entreprise elle-même conformément aux §§ 30 et 130 OWiG, si des infractions pénales ou administratives sont commises au sein de l’entreprise, l’OWiG ne constitue pas une incitation suffisante pour les grandes entreprises à respecter la loi. Les amendes assez élevées infligées à Volkswagen ou Daimler, par exemple, qui ont été rendues publiques, n’étaient en grande partie pas de véritables amendes, mais plutôt le prélèvement des avantages financiers obtenus du fait de la transgression de la loi, lesquels peuvent le cas échéant être déductibles fiscalement.

L’amende maximale sera donc portée de 10 millions d’euros à 10 % du chiffre d’affaires annuel. Afin d’empêcher les entreprises de se soustraire à la sanction en procédant à une restructuration, le projet de loi prévoit l’imposition de sanctions à un successeur légal de l’entreprise. Dans les opérations de fusions-acquisitions, cela entraîne des risques supplémentaires tant pour les « Share Deal » (cessions de parts) que pour les « Asset Deal » (cessions d’actifs). Le chiffre d’affaires du groupe à prendre en considération pour l’évaluation de la sanction financière est celui du moment de la condamnation, de sorte que l’acquisition d’une société « infectée » peut entraîner des risques supplémentaires et considérables.

D’autre part, des enquêtes internes devraient permettre d’atténuer les sanctions, à condition toutefois qu’elles soient conformes à la légalité (mot clé : procès équitable, protection des données). L’objectif est d’inciter à mener des enquêtes internes en cas de délits dans un but de clarification. La réduction maximale de la sanction dans ce cas devrait s’élever à 50 % de qui serait autrement infligée.

La sanction la plus sévère, la dissolution forcée de la société, se trouve également dans ce projet de loi. Dans la pratique, cette sanction ne sera probablement infligée que dans des cas exceptionnels extrêmes, si les employés d’une entreprise violent la loi de manière répétée et persistante et si les conséquences pour les uns ou le public en général sont graves. De plus, cette sanction n’est pas vraiment nouvelle, comme le montrent les §§ 396 AktG (loi sur les sociétés par actions) et 62 GmbHG (loi sur les sociétés à responsabilité limitée).

Une différence majeure par rapport à l’OWiG et donc une modification de la qualification de la sanction de groupement comme instrument pénal est qu’elle n’est plus laissée à la discrétion des autorités compétentes. Bien au contraire, c’est le principe dit de légalité qui s’applique, c’est-à-dire que les autorités chargées de l’enquête sont tenues, en cas de connaissance ou même tout simplement de suspicion de délit liée à une entreprise, d’ouvrir une enquête. Comme cela est d’usage en droit pénal, la procédure d’enquête peut alors également être clôturée le cas échéant, sous certaines conditions.

Résumé :

Si la loi se présente sous cette forme ou sous une forme légèrement modifiée – ce que l’on peut actuellement supposer – la direction, en particulier les responsables de la conformité, devront relever d’autres défis pour éviter des inconvénients financiers considérables pour leur entreprise. Il est déjà souhaitable aujourd’hui de revoir de manière préventive les mesures déjà en place pour s’assurer qu’elles sont appropriées et efficaces. Il est également recommandé de mettre en place des structures et des instructions pour les enquêtes internes de l’entreprise afin de réduire au moins la menace de sanctions financières le cas échéant.

L'auteur

Jan-F. SCHUBERT

Avocat

  • Barreau de STUTTGART - Cour d'appel de STUTTGART
Spécialiste en :
  • Droit des sociétés
  • Droit de la concurrence et de la distribution