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Bail commercial et covid-19 : mode d’emploi

Le par Maître Florence SIX, GESICA SIEGE ADMINISTRATIF

Qu’est-ce qu’un bail commercial ?

Le bail commercial est un contrat de location signé entre le propriétaire d’un local et le gérant d’une société qui souhaite y exercer son activité. Il s’agit d’un contrat avec de nombreuses spécificités, notamment sur la durée. 

Les confinements successifs ont entraîné la fermeture de nombreuses entreprises et ralenti l’activité de beaucoup d’autres. Dans ce contexte économique difficile, quelques mesures peuvent jouer en faveur du locataire, titulaire d’un bail commercial.

Quels sont les textes existants ? Quelle protection du locataire ?

Les deux premières ordonnances du 25 mars 2020 prévoient qu’il ne peut pas y avoir de sanction du fait du non-paiement des loyers et des charges du 12 mars 2020 au 10 septembre 2020 soit deux mois après la date de cessation de la période d’urgence sanitaire fixée au 10 juillet. Mais en aucun cas, il n’est prévu d’annuler ou de reporter les loyers et charges exigibles durant cette période. 

Cela signifie que le bailleur peut parfaitement obtenir, en référé, la condamnation du locataire au paiement d’une provision sur les loyers et charges mais ne pourrait obtenir la moindre sanction. De plus, ce dispositif ne visait que les petites entreprises c’est-à-dire celles éligibles au fonds de solidarité, dont l’effectif ne dépasse pas 10 salariés, un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros, un bénéfice inférieur à 60.000 € etc. Pour les autres entreprises, les sanctions ne sont pas annulées mais seulement suspendues le temps de la période sanitaire.

La loi du 14 novembre 2020 protège, quant à elle, les entreprises dont l’activité a été affectée par une mesure de police administrative c’est-à-dire les entreprises qui ont fait l’objet d’une fermeture administrative ainsi que celles qui ont dû aménager leur activité, par exemple, en cessant de vendre des produits non essentiels ou en restreignant leur capacité d’accueil. La protection commence à faire effet à partir du 17 octobre (date d’entrée en vigueur de la loi) et peut être prolongée jusqu’à 2 mois après que l’activité de l’entreprise ait cessé d’être affectée par la mesure de police administrative. 

Ce dispositif interdit toutes les actions, voies d’exécution et sanction pour non-paiement des loyers commerciaux pour ces périodes. Les voies d’exécution introduites par le bailleur avant le 17 octobre 2020 sont suspendues pendant toute la période protégée. Comme les ordonnances du 25 mars, la loi du 14 novembre 2020 neutralise toutes sanctions liées au non-paiement des loyers et charges. 

Que disent les décisions de justice ?

Si les juges ont écarté l’obligation de délivrance du bailleur, l’exception d’inexécution et la force majeure invoqués par les locataires pour se soustraire au paiement des loyers, certaines décisions ont fait jouer l’exigence de bonne foi dans l’exécution du contrat. 

Dans plusieurs ordonnances du 10 juillet et du 26 octobre 2020, le Tribunal judiciaire de Paris a notamment considéré que l’exception d’inexécution soulevée par le locataire devait être étudiée à la lumière de l’obligation de bonne foi. Cette obligation de bonne foi impose aux parties de vérifier si les circonstances ne rendent pas nécessaire un aménagement des modalités d’exécution du contrat, par exemple en suspendant l’exigibilité de certaines obligations comme le paiement du loyer. 

Le 21 janvier 2021, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu une autre ordonnance qui s’inscrit dans la lignée des décisions précédemment citées. Elle précise toutefois certains arguments visant à neutraliser les sanctions relatives au non-paiement des loyers commerciaux dus au 3ème trimestre 2020 c’est-à-dire les loyers couvrant la période de juillet à septembre 2020 au cours de laquelle le restaurant était ouvert mais affecté par des mesures de police administrative. En effet, ces mesures ont empêché le locataire d’exploiter correctement son restaurant et expliquent son refus de payer l’intégralité des loyers ainsi que ses nombreuses demandes d’adaptation du montant du loyer auprès du bailleur, qui les a refusées. 

Le juge s’est fondé sur l’exigence de bonne foi dans l’exécution du contrat et reprend la motivation des ordonnance du 10 juillet et du 26 octobre : le moyen tiré de l’exception d’inexécution doit être étudié, non pas à la lumière du respect par le bailleur de son obligation de délivrance, puisque le restaurant était ouvert au public, mais à la lumière de l’obligation pour les parties de négocier de bonne foi les modalités d’exécution de leur contrat. Pour le juge, la crise sanitaire, les répercussions qu’elle a engendrées sur l’exploitation du locataire (activité partielle) et les négociations qui ont échoué peuvent correspondre à des « circonstances exceptionnelles » nécessitant un aménagement des loyers dus pendant la période visée. 

D’autre part, cette affaire est intéressante car le locataire a soulevé, pour la première fois, la théorie de l’imprévision. Si le bail a été signé après le 1er octobre 2016, la théorie de l’imprévision permet à une partie de demander une renégociation du contrat en cas de changement de circonstances imprévisibles lors de sa conclusion, rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse. Le juge des référés a estimé que le locataire pouvait se prévaloir de cette théorie mais qu’il appartenait aux juges du fond de décider s’il pouvait s’appuyer sur cette disposition pour demander une adaptation du contrat. La demande du locataire de paiement partiel des loyers relève donc des juges du fonds. 

Attention toutefois car dans cette affaire, le juge a statué dans ce sens du fait du comportement du locataire qui a justifié de sa bonne foi en réglant 50% des loyers dus au troisième trimestre 2020 alors même que leur exigibilité totale était contestable car les lieux loués ne pouvaient être exploités correctement en raison des mesures de police administrative. Le locataire a également tenté de mener des négociations avec son bailleur et n’a cessé de solliciter des adaptations du montant du loyer qui lui ont été refusées. C’est pourquoi, il a saisi le tribunal de commerce d’une demande de conciliation. Le juge aurait probablement adopté une solution contraire si le locataire n’avait pas pris soin de mener des négociations et qu’il s’était soustrait à son obligation de règlement des loyers.

Que faut-il retenir à ce stade ?

La décision du Tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2021 fait apparaître un nouveau fondement à disposition des locataires en matière de loyers covid-19 dûs au titre du 2ème trimestre 2020 : l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020, qui s’applique aux entreprises de moins de 250 salariés avec un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros et une perte de chiffre d’affaires de plus de 50 % au titre du mois de novembre 2020 car il précise : « toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, à l’encontre des locataires pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives est réputée non écrite ». Comme l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars, l’article 14 permet aux locataires concernés de neutraliser donc toutes les sanctions liées au non-paiement des loyers et charges (clause résolutoire, voie d’exécution, etc). Attention toutefois, cette protection n’est que temporaire et les locataires ne sont pas libérés du paiement de leurs loyers.

N’hésitez donc pas à vous adressez à un avocat GESICA pour être accompagné au mieux dans les démarches de négociation et, le cas échéant, judiciaires.

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Florence SIX

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22 avenue de Friedland, Paris 75008

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