Tout savoir sur le grand excès de vitesse

Le 28 mai 2025 par ,

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« Impatient sur la route, patient à l’hôpital », « un trajet rapide pourrait être votre dernier trajet » ou plus directement « la vitesse tue » : les communicants du ministère de l’intérieur ont rivalisé d’imagination ces dernières années pour mettre l’accent sur un fléau responsable d’un décès sur trois lors d’un accident routier, à savoir la vitesse. En 2024, plus de 50 000 accidents de la circulation ont eu lieu. Ils ont coûté la vie à 3190 personnes, ce qui est encore trop, même si, par exemple, 7643 personnes avaient été tuées en 2000. Pour parvenir à cette diminution du nombre de victimes, deux décrets de 1998 ont modifié le code de la route en le rendant plus répressif par l’introduction du grand excès de vitesse. Il est défini par l’article R.413-14-1 comme le fait, pour tout conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, de dépasser de 50 km ou plus la vitesse maximale autorisée fixée par le code de la route ou édictée par l’autorité investie du pouvoir de police. L’intérêt de cette infraction tient à sa double nature : simple contravention de cinquième classe lors de sa première commission, elle devient un délit sévèrement réprimé en cas de récidive, voire en cas de récidive en récidive.

 

I.    LE GRAND EXCES DE VITESSE « SIMPLE » : UNE CONTRAVENTION

A.    L’élément légal : rappel des vitesses autorisées

À titre liminaire, il convient de rappeler que lorsqu’elles sont plus restrictives, les mesures prises par les autorités investies du pouvoir de police (préfet, sous-préfet, maire) prévalent sur celles édictées par le code de la route, en imposant par exemple une vitesse maximale de 30 km/h en agglomération au lieu de la vitesse de 50 km/h prévue par le code de la route.

–    . En ville ou agglomération, la vitesse est limitée à 50 km/h, sauf restriction de plus en plus fréquente à 30 km/h. Toutefois, sur les sections de route où les accès de riverains et les traversées des piétons sont en nombre limité et sont protégés par des dispositifs appropriés, la vitesse peut être portée à 70 km/h en agglomération après avis conforme du préfet ; pour le boulevard périphérique parisien, la vitesse est limitée à 70  km/h (C. Route, Art R.413-3). Lorsque la visibilité est inférieure à 50 m, la vitesse est limitée à 50 km/h sur l’ensemble du réseau routier et autoroutier (C. Route, Art R.413-4) ;

–    .  Pour les véhicules dont le Poids Total Autorisé en Charge (PTAC), c’est-à-dire la masse maximale possible, est inférieure ou égale à 3,5 t, la vitesse maximale est de 50 km/h en agglomération, 130 km/h sur les autoroutes, 110 km/h par temps de pluie ou 100 km/h sur les sections d’autoroute où la vitesse maximale est inférieure à 130 km/h (C. Route, Art R.413-2) ;

–    .  Pour les véhicules dont le PTAC est supérieur à 3,5 t, la vitesse est de 50 km/h en ville ou en agglomération, 90 km/h sur autoroute, 80 km/h sur les routes à caractère prioritaire et signalées comme telles et 90 km/h sur les routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central si le PTAC est inférieur ou égal à 12 t (C. Route, Art R.413-8) ;

–    .  Pour les véhicules dont le PTAC est supérieur à 12 t, qui transportent des matières dangereuses ou des véhicules de transport exceptionnel, la vitesse maximale est de 50 km/h en agglomération, 80 km/h sur autoroute, et 60 km/h ou 70 km/h sur les routes prioritaires signalées comme telles si le véhicule répond à certaines caractéristiques prévues par un arrêté du ministre des transports (C. Route, Art R.413-9) ;

–    . Pour les véhicules de transport de personnes seules si le PTAC est supérieur à 3,5 t mais inférieur ou égal à 12 t, 50 km/h en agglomération, 110 km/h sur autoroute, 100 km/h sur les routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central lorsqu’elles sont à caractère prioritaire ou signalé comme talus, 80 km/h sur toutes les autres routes (C. Route, Art R.413-8-1) ;

–    . Pour les véhicules de transports en commun, 50 km/h en agglomération, 90 km/h hors agglomération, ou 100 km/h sur autoroute si le PTAC du véhicule est supérieur à 10 t et répond à des caractéristiques techniques particulières (C. Route, Art R.413-10), ou 100 km/h sur les autoroutes et les routes à chaussées séparées par un terre-plein central pour les véhicules dont le PTAC est inférieur ou égal à 10 t ;

–    . Pour les conducteurs titulaires du permis probatoire ou pour les élèves conducteurs, la vitesse est de 50 km/h en agglomération, 110 km/h sur autoroute, 100 km/h sur les sections d’autoroute où la limite est inférieure à 130 km/h et sur les routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central (C. Route, Art R.413-5). On rappellera que lorsqu’il est obtenu, le permis de conduire ne dispose que d’un nombre initial de six points au lieu de douze, durant un délai probatoire de trois ans, réduit à deux ans si le titulaire a suivi un apprentissage anticipé de la conduite. C’est seulement au terme de ce délai et à condition qu’aucun retrait de points n’ait eu lieu pendant cette période que le capital de douze points est constitué.

B.    La procédure en cas de grand excès de vitesse commis pour la première fois

1.    En cas d’interpellation par les forces de l’ordre

Une fois que les papiers relatifs au véhicule ont été présentés, les services de police ou de gendarmerie procèdent au retrait du permis de conduire du conducteur en infraction, en lui remettant un avis de rétention. Il s’agit d’une mesure administrative.

La durée de la rétention provisoire du permis de conduire est de 72 heures au plus ; elle est effectuée par l’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire dans l’attente de la suspension du permis de conduire par le préfet (C. route, art. L. 224 -1 et 224-2).

Toujours de manière conservatoire, le véhicule est ensuite immobilisé. À titre de mesure provisoire cette fois, et sous réserve de l’autorisation préalable du préfet, l’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire peut faire procéder à l’immobilisation du véhicule et à sa mise en fourrière provisoire durant sept jours jusqu’à la décision d’immobilisation judiciaire prise par le ministère public (C. route, art. L. 223-1).  

À défaut d’autorisation donnée dans ce délai, le véhicule est restitué à son propriétaire.

2.    En cas de contrôle automatisé (CA) par cinémomètre ou chronotachygraphe

Il ressort des articles L.130-9 et R.130-11-8° du code de la route que l’infraction peut être constatée sans interception du véhicule par simple contrôle automatique, à savoir un cinémomètre – « le radar » – ou par chronotachygraphe.

Un retrait du permis de conduire n’est techniquement pas possible et le conducteur contrôlé par voie automatique en grand excès de vitesse est convoqué à la gendarmerie ou au commissariat.

Après son audition, il se voit remettre une convocation devant le tribunal de police.

3.    La procédure

Le ministère public, qui prend l’initiative des poursuites, a le choix entre deux procédures :

–    . La procédure classique : comparution devant le tribunal de police où l’assistance d’un avocat est plus que fortement conseillée. La procédure est contradictoire, et, en cas de condamnation, un appel est possible dans les 10 jours du prononcé du jugement.

–    .   La procédure simplifiée, dite de l’ordonnance pénale : dans ce cas, le procureur de la république va saisir le président du tribunal de police, qui, au vu des seuls éléments fournis par le ministère public, va statuer hors la présence du prévenu et rendre une ordonnance pénale. Il s’agit d’une procédure non contradictoire, sans débats ni présence de l’avocat : l’ordonnance pénale portant condamnation sera notifiée au domicile du conducteur condamné. Celui-ci peut alors faire opposition à l’ordonnance dans un délai de 30 jours à compter de la notification. Plus rarement, l’ordonnance pénale est notifiée verbalement par le procureur de la république ou son délégué. C’est alors à compter de cette notification verbale que le délai de 30 jours commence à courir. L’opposition a pour effet de saisir le tribunal de police qui statue alors en présence du prévenu et dans le cadre d’une procédure contradictoire où l’assistance d’un avocat est plus que nécessaire puisqu’il s’agit, en quelque sorte, d’un appel d’une infraction déjà jugée.

4.    La preuve du grand excès de vitesse

Les moyens pour apporter la preuve du grand excès de vitesse valent en cas d’infraction initiale, mais aussi en cas de grand excès de vitesse commis en état de récidive.

Une précision d’importance : les limitations de vitesse prévues par le code de la route s’imposent sans qu’il soit besoin de signalisation particulière. Par exemple, la vitesse de 130 km/h sur autoroute doit être respectée même en l’absence de panneaux le précisant.

Dans la mesure où l’article 537 du code de procédure pénale dispose que le procès-verbal établi par une personne qui a le pouvoir de constater les infractions fait foi jusqu’à preuve contraire, celle-ci ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins. Par conséquent, il incombe au conducteur qui conteste une contravention de rapporter la preuve qu’elle n’est pas constituée.

Le contentieux de la preuve s’est cristallisé autour du cinémomètre dont la validité est appréciée de manière restrictive par la Cour de cassation.

C’est ainsi que :

–    . L’absence de vérification annuelle de l’appareil matérialisée par un poinçon ou l’absence de ce poinçon est une cause de relaxe du prévenu ;

–    . Cependant, l’absence d’essai préalable n’est pas une cause de relaxe à partir du moment où le « radar » a été homologué et a subi une vérification annuelle ;

–    . Si le service de météorologie admet une certaine marge d’erreur, la différence entre les deux vitesses constatées entre celle qui est lue sur l’appareil et celle qui fonde la poursuite est susceptible de bénéficier au prévenu, car c’est la plus basse qui est retenue ;

–    . Le fait que la vitesse relevée soit supérieure à celle indiquée par le constructeur a pu entraîner, de manière sporadique, certaines relaxes ;

Pour le reste, les règles de l’article 429 du code de procédure pénale, qui dispose que le procès-verbal n’a de valeur probante que s’il est régulier en la forme, sont appliquées, de sorte que :

–    . En cas de pluralité d’intervenants (celui qui constate la vitesse et celui qui dresse le procès-verbal) il suffit que l’un des deux l’ait signé ;

–    . N’a aucune valeur probante le procès-verbal signé par les gendarmes qui ont intercepté le véhicule, mais non signé par ceux qui ont constaté l’excès de vitesse ;

–    . Est cependant régulier le procès-verbal qui relate les propos tenus par un gendarme par radio à son collègue qui a constaté l’infraction.

5.    Répression du grand excès de vitesse

–    . Contravention de cinquième classe : 1500 € d’amende (C. route, art. L. 223-1, C pén., art 131-13) ;

–    . Suspension du permis de conduire pour une durée inférieure ou égale à trois ans même pour les véhicules terrestres à moteur pour lesquels le permis n’est pas exigé. À ce sujet, il est important de noter que le permis aménagé ou encore permis « blanc » n’existe plus, que l’exécution provisoire peut être prononcée et que le sursis n’est pas possible (C. route, art. L.224-13 et R.413-14-1) ;

–    . Interdiction inférieure ou égale à trois ans de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux qui ne nécessitent pas de permis de conduire (C. route, art. R.413-14-1) ;

–    . Obligation d’accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière aux frais du conducteur condamné (C pén., art 131-35-1 et 131-16 ; C. route, art. R.413-14-1) ;

–    . Confiscation du véhicule qui a servi à commettre l’infraction, si le conducteur en est le propriétaire (C. route, art. R.413-14-1, C pén., art 131-41).

–    . Perte de points du permis de conduire : 6 points.

–    . Pour les personnes morales : contravention de cinquième classe soit 7500 € d’amende (C. route, art. R.413-14-1, C pén., art 131-41), aucune peine complémentaire.

II.    LE GRAND EXCES DE VITESSE EN RECIDIVE : UN DELIT

A.    La procédure en cas de récidive

Aux termes de l’article 132-11 du code pénal, la récidive de l’infraction de grand excès de vitesse est caractérisée par la commission de la même infraction dans le délai de trois ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine.

Le grand excès de vitesse devient alors un délit.

Les mesures provisoires et les mesures à caractère administratif, c’est-à-dire la rétention du permis de conduire, l’immobilisation du véhicule et sa mise en fourrière applicables au grand excès de vitesse le sont également à sa récidive.

Au choix du ministère public, la procédure simplifiée d’ordonnance pénale ou la procédure classique de convocation devant le tribunal correctionnel peut être utilisée. Dans ce second cas, l’affaire relève de la compétence du juge unique.

B.    La répression du grand excès de vitesse en récidive

–    . Trois mois d’emprisonnement et 3750 € d’amende (C. route, art. L. 413-1) ;

–    . Suspension sans aménagement ou interdiction de délivrance du permis de conduire pendant une durée inférieure ou égale à trois ans avec exécution provisoire possible (C. route, art. L.224-12, L.224-13 et L.413-1) ;

–    . Interdiction pour une durée inférieure ou égale à cinq ans de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour lesquels il n’est pas nécessaire de disposer du permis de conduire (C. route, art. L.413-1) ;

–    . Obligation d’accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière aux frais du condamné (C pén., art 131-15-1 ; C. route, art. L.413-1) ;

–    . Confiscation du véhicule dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction s’il en est propriétaire obligatoire, sauf par décision spécialement motivée (C. route, art. L. 413-1 ; C pén., art 131-21) ;

–    . Perte de points du permis de conduire : 6 points ;

–    . Pour les personnes morales, amende de 18 750 € (C. route, art. L. 413-1 ; C pén., art 131-38), pas de peine complémentaire.

Si le délit de récidive de grand excès de vitesse en récidive est lui-même commis en récidive, les règles de la récidive de délit s’appliquent, à savoir le doublement du maximum encouru pour l’emprisonnement et l’amende (C pén., art 132-10).

 

Le nombre de décès causé par les accidents de la route reste encore trop important, et même si l’on peut considérer que le grand excès de vitesse est sévèrement réprimé, cette période de transition entre la transmission thermique et la transmission électrique serait peut-être l’occasion pour le législateur de s’interroger sur une réforme de ce texte, afin, une fois pour toutes, que chacun ait à l’esprit que désormais « la vitesse, c’est dépassé ».

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