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Marketplaces d'influenceurs : le guide juridique pour lancer son projet

Le par Maître Gérard HAAS, HAAS SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Par Paul BENELLI et Lucie BRECHETEAU

 

Nous assistons dernièrement à la multiplication des plateformes d’influenceurs, visant à mettre en relation des marques ou des consommateurs avec des influenceurs.

L’objectif de cette solution innovante est de permettre :

aux marques de collaborer avec des influenceurs spécialisés dans leur secteur et disposant d’une communauté en phase avec leurs valeurs fondatrices pour ainsi assurer une promotion optimale des produits et services sponsorisés et d’autre part

aux consommateurs d’avoir accès de manière privilégiée, notamment par téléconsultation, à des experts de leur secteur.

Incontestablement, ces plateformes constituent une révolution dans le monde du marketing digital, et le phénomène séduit déjà de nombreux influenceurs ainsi qu’un grand nombre de marques, quelle que soit leur notoriété.

Le succès d’un tel projet requiert toutefois de respecter le cadre juridique applicable aux opérateurs de plateformes en ligne, tout en tenant compte des spécificités contractuelles propres à l’industrie des influenceurs.

Respecter les obligations applicables aux plateformes en ligne 

Qu’est-ce qu’un opérateur de plateforme en ligne ?

La loi nº 2016-1321 du 7 octobre 2016[1] définit l'opérateur de plateforme en ligne à l'article L. 111-7 du Code de la consommation comme « toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :

1. Le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; [comme les sites de petites annonces ou les comparateurs]

2. Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service. » [On fait ici référence aux places de marché ou « Marketplaces »] 

Ainsi la réglementation actuelle concerne tous les opérateurs de plateformes, qu’elles soient plus communément appelées « comparateur », « site de petites annonces » ou « places de marché ».

Quelles sont les obligations applicables à une plateforme mettant en relation des professionnels ?

La Marketplace d’influenceurs visant à mettre en relation des professionnels (les marques et les influenceurs par exemple) se voit imposer le respect d’un nombre limité d’obligations, au contraire des marketplace « BtoC » qui sont, elles, restreintes par de nombreuses contraintes.

Le respect d’obligations fiscales

L’opérateur de plateforme en ligne devra d’abord informer ses utilisateurs sur leurs propres obligations fiscales, tant à chaque transaction qu’une fois par an, par l’intermédiaire d’un récapitulatif annuel.

Ensuite, l’opérateur devra avoir à l’esprit qu’il est dans l’obligation d’adresser à l’administration fiscale un document récapitulatif annuel l’informant de toutes les transactions réalisées par chaque utilisateur dès lors que ce dernier a réalisé plus de 20 transactions, représentant plus de 3.000€.

Ce récapitulatif devra lui être adressé au plus tard le 31 janvier de l'année qui suit celle au cours de laquelle les opérations récapitulées dans le document ont été réalisées, en respectant un cahier des charges strict.

Quelles sont les obligations applicables à une plateforme mettant en relation des consommateurs avec des professionnels ?

1. Le respect des obligations nationales de transparence et de loyauté

Le porteur de projet d’une plateforme mettant par exemple en relation des influenceurs (professionnels) avec des internautes (consommateurs) devra respecter l’ensemble des obligations applicables aux plateformes BtoC.

Incluant notamment :

- L’obligation de se doter de Conditions Générales d’Utilisation (CGU) détaillant de manière claire, loyale et transparente, l’identité de l’opérateur, les modalités de son intervention sur les avis clients, l’ordre de référencement des influenceurs ; etc.

- L’obligation de préciser l’existence d'une relation contractuelle, d'un lien capitalistique ou d'une rémunération à son profit, dès lors qu'ils influencent le classement ou le référencement des influenceurs ou des produits vendus ;

- L’obligation de permettre aux influenceurs référencés de fournir au client final l’ensemble des informations et documents légalement obligatoires dans le cadre d’une vente en ligne (fiche produit détaillée, CGV, etc.).

2. Le respect des obligations européennes

Afin de replacer la transparence et la loyauté au cœur de ses engagements, l’opérateur de plateforme en ligne est désormais lié à un certain nombre d’obligations dans le cadre de ses relations avec ses utilisateurs professionnels.

Depuis le 12 juillet 2020, le Règlement « Platform to Business » (P2B)[2] impose notamment :

- L'encadrement des procédures de suspension ou de fermeture des comptes des marchands référencés (ici les influenceurs)

- La loyauté dans l’information transmise aux utilisateurs,

- La transparence sur les conditions de référencement des influenceurs,

- La transparence concernant les modalités d’accès aux données, y compris les données personnelles,

- La diffusion de codes de bonne conduite, 

- La mise en place d’un système interne de traitement des plaintes et de médiation.

Veiller à insérer certaines clauses-clés dans les contrats conclus entre les marques et influenceurs 

Dans le cadre d’une collaboration entre une marque et un influenceur, la conclusion d’un contrat de partenariat est indispensable. En effet, un tel contrat permet de définir :

- Le respect des obligations des parties,

- Les modalités d’exécution des prestations,

- Les limites du partenariat.

Ainsi, pour que le contrat permette d’anticiper toutes les situations et d’écarter toute ambiguïté entre les parties, il est nécessaire de prévoir certaines clauses pouvant se révéler utiles, voire essentielles.

1. Délimiter les prestations à réaliser

Afin d’assurer une promotion optimale du produit ou service sponsorisé, il est essentiel de délimiter contractuellement les prestations qui devront être réalisées par l’influenceur, ainsi que leurs modalités d’exécution :

- Le contenu sponsorisé: quel est le bien ou service objet de la promotion ?

- Le format du contenu: quel contenu sera créé par l’influenceur : une photo, une vidéo, un article ?

- Le support de diffusion: le contrat devra expressément prévoir sur quelle plateforme la promotion du bien ou du service aura lieu (Instagram, Facebook, YouTube, Snapchat, Twitter etc.). Cela dépendra du public visé et de la plateforme sur laquelle l’influenceur rassemble sa communauté.

En fonction de la plateforme choisie, il sera nécessaire de préciser le mode de diffusion du contenu (publication, story, etc.)

- Le moment de la diffusion : le choix du jour et de l’heure de diffusion devra être stratégique, au regard des différents fuseaux horaires.

- La fréquence de diffusion: le contenu créé par l’influenceur pourra être diffusé hebdomadairement, mensuellement, ou de manière plus régulière, afin d’assurer une visibilité optimale du contenu.

2. Définir la durée du contrat 

Il est essentiel de préciser la durée du partenariat, tout en sachant qu’un engagement « perpétuel » (un contrat à durée indéterminée) pourra toujours être dénoncé par les deux parties.

A ce titre, la durée du contrat peut être fixe (6 mois à compter de la signature du contrat par exemple), mais elle peut également être déterminée en fonction des prestations à réaliser. Dans ce cas, le contrat prendra fin lorsque l’influenceur aura exécuté l’ensemble de ses obligations (création du contenu, publication etc.).

3. Encadrer contractuellement les obligations de l’influenceur 

Il est essentiel de prévoir les lignes directrices du partenariat, en liant l’influenceur à un certain nombre d’obligations et d’engagements. A ce titre, le contrat peut notamment imposer à l’influenceur de respecter les règles applicables à chaque plateforme (les Conditions Générales des réseaux sociaux tels que Instagram, Tweeter, Facebook, etc.) concernant la diffusion de contenus sponsorisés (déclaration ou mention dans le contenu par exemple).

De même, en signant le contrat, l’influenceur pourra s’engager à une certaine exclusivité, (à ne travailler avec aucune marque concurrente), ou à respecter une charte de qualité répertoriant les valeurs de la marque.

4. Déterminer la nature de la contrepartie

La fixation de la contrepartie due à l’influenceur est une clause essentielle au bon fonctionnement du partenariat. Le contrat devra définir précisément si la contrepartie est pécuniaire ou non-pécuniaire.

Si la contrepartie est pécuniaire, le contrat doit faire état de la somme versée à l’influenceur. Le paiement de cette somme pourra être ventilé en fonction de l’exécution des différentes prestations (versement d’un acompte à l’exécution du contrat, et le solde à l’accomplissement de celui-ci par exemple).

Si la contrepartie est non-pécuniaire, le contrat doit définir précisément la nature de la rétribution (offre de produits à l’influenceur, pourcentage sur les ventes…).

En tout état de cause, la Plateforme ayant connaissance des sommes versées devra en principe déclarer ces sommes perçues par l’Influenceur à l’administration fiscale.

5. Fixer des objectifs à atteindre

L’insertion d’une clause « objectifs » au sein d’un contrat de partenariat conclu avec un influenceur s’impose comme une garantie quant à la qualité du contenu créé.

Par exemple, l’influenceur pourra être lié à l’objectif d’atteindre un certain nombre de vues ou de mentions « J’aime », en une durée déterminée.  

Si les objectifs sont atteints, voire dépassés, le contrat pourra prévoir l’octroi d’une contrepartie supplémentaire (somme d’argent ou avantage supplémentaire octroyé à l’influenceur).

Il pourra être particulièrement intéressant de prévoir une clause pénale dans l’hypothèse de statistiques s’avérant finalement faussées par de « faux » abonnés ou des « likes » automatiques.

6. La clause de propriété intellectuelle

L’intérêt de cette clause est double :

- D’une part, elle permet au titulaire de la marque promue de concéder à l’influenceur un droit d’utilisation de la marque et de l’ensemble de ses éléments afférents (logos, images, vidéos, logiciels etc.), afin de procéder à l’exécution des prestations prévues au titre du contrat.

- D’autre part, si le contenu créé dans le cadre de l’exécution des prestations appartient en principe à l’influenceur, la clause de propriété intellectuelle permet d’encadrer contractuellement la réutilisation, par le titulaire de la marque, du contenu créé ainsi que des supports utilisés. En l’absence d’une telle clause, le « post », qui peut être considéré comme une œuvre originale et donc susceptible de contrefaçon, restera la propriété de son auteur, en l’occurrence l’influenceur.

 

Ainsi, la Marketplace d’influenceurs s’impose comme une solution novatrice face à l’évolution exponentielle du marketing d’influence, comme en atteste le grand nombre de projets en cours sur ce segment.

Le cabinet HAAS Avocats est le seul cabinet à avoir créé un département entièrement dédié à l’accompagnement des Marketplaces et autres plateformes en ligne.

Pour être accompagné dans vos démarches ou pour tout renseignement complémentaire, n’hésitez pas à contacter le Cabinet HAAS Avocats ici.

 

[1] Loi nº 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

[2] Règlement (UE) 2019/1150 du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne

L'auteur

Gérard HAAS

Avocat associé - Barreau de PARIS

DROIT DE LA COMMUNICATION, DROIT DE LA CONSOMMATION, DROIT DE LA FRANCHISE, DROIT DE LA DISTRIBUTION, DROIT DE LA CONCURRENCE, DROIT DE LA PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE, DROIT DES NOUVELLES TECHNOLOGIES, DE L'INFORMATIQUE ET DE LA COMMUNICATION


Spécialiste en :
  • Droit des nouvelles technologies, de l’informatique et de la communication
  • Droit de la propriété intellectuelle
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