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"Etre heureux ce n'est pas nécessairement confortable" : extrait d'une note de lecture sur l'ouvrage de Thomas d'Ansembourg

Le par Maître Stéphanie BAUDOT, EGIDE AVOCATSCÎMES

A l'occasion de l'obtention du diplôme de DU de Modes Alternatifs de Règlement des Différents, un extrait de la note de lecture réalisée sur l'ouvrage de Thomas d'Ansembourg, illustré par Alexis Nouailhat 

ÊTRE HEUREUX CE N’EST PAS NECESSAIREMENT CONFORTABLE

Les idées forces développées dans Etre heureux, ce n’est pas nécessairement être confortable :

L’ouvrage débute par la recherche de la définition du bonheur.

S’il y a certainement autant de définitions du bonheur que d’êtres humains, il en ressort un dénominateur commun, qui prend la forme d’un « profond contentement intérieur de tout notre être », dans la relation avec soi-même, mais aussi dans la relation avec les autres et même dans la relation avec ce qui nous entoure, la nature.

Or c’est faire un constat assez simple que de s’apercevoir que la vie de tous les jours peut prendre la forme d’un piège, par un enfermement dans des habitudes de fonctionnement et un système de pensée corrélatif. Il s’agit alors de prendre conscience de ce piège d’une part, et de comprendre comment il s’est enclenché d’autre part.

Deux constantes forment la base de la vie :

L’alternance : entre la joie et la peine, la confiance et la peur, la sécurité et l’angoisse, l’émerveillement et la tristesse, comme un balancier.

L’important est de ne pas rester accroché à ce balancier lorsqu’il est du mauvais côté, comme une sorte d’attachement à la « culture du malheur », car après chaque hiver arrive le printemps !

Mais aussi la continuité ou le « présent ouvert » : le présent n’est pas arrêté dans l’instant, ce qui signifie que si des évènements nous rendent malheureux, ils peuvent aussi permettre d’apprécier encore plus des moments plus heureux, mais également de sortir de ses habitudes de pensée.

Un certain état d’esprit voudrait que, lorsque quelque chose de bien survient, la peur que ce bonheur soit retiré n’autoriserait pas à vivre pleinement cet instant heureux, et il s’agirait de se le retirer soi-même…comme une sorte d’immunité qui parait interdire l’accès au bonheur.

Le « double vaccin anti-bonheur » ressort alors de l’idée selon laquelle, dans la vie, « on est pas là pour rigoler » (comme si le bonheur était interdit !) d’une part, et que « il faut être heureux avec ce que l’on a » d’autre part, ce qui aboutit à une mécanique ubuesque selon laquelle le bonheur est interdit tout en étant obligatoire…

En décryptant ces injonctions sous l’angle de la communication non violente, une définition du sens de la vie pourrait correspondre à l’envie de goûter un profond contentement intérieur croissant et contagieux, tandis que les épreuves traversées au cours de la vie s’apparentent, elles, au parcours de la vie.

Contre ce « double vaccin anti-bonheur », lorsqu’une pensée rend malheureux, réussir à clarifier les valeurs ou besoins insatisfaits que cette pensée révèle peut permettre de restaurer lesdits besoins et/ou valeurs, et d’aider à se sentir mieux, sans ressasser ce qui ne va pas.

A l’inverse, quand un évènement rend heureux, savourer en toute conscience cette joie en nommant les sentiments agréables et les besoins nourris permet alors de se sentir vivant dans un monde vivant, imprégné de gratitude.

Il existe cinq pièges anti-bonheur liés à notre éducation :

L’inconfort : il est nécessaire de quitter sa zone de confort en acceptant de constater son enfermement

Constater ne suffit pas : il faut s’engager pour comprendre l’enclenchement de ce piège et l’attachement inconscient à celui-ci.

Ainsi, nous avons souvent beaucoup plus appris à faire (emplois du temps surchargés, correspondant à un besoin d’être utile aux autres et de leur faire plaisir, qui peut prendre la forme d’une dépendance à la quête de l’appréciation des autres) qu’à être.

Il est alors important de prendre le temps d’écouter ce qui se passe en soi : il est difficile d’être heureux sans prendre soin du premier être dont on la charge, c’est à dire soi-même. Il est erroné de croire que s’occuper de soi c’est négliger les autres, bien au contraire.

Lâcher le « faire » dans la relation à l’autre, c’est réussir à dire les choses avec empathie, c’est-à-dire sans jugement ni conseil, sans prétendre savoir pour l’autre, mais en étant présent, sincère et clarifiant.

Même si cela peut paraitre difficile, ou à tout le moins inhabituel, des situations tendues peuvent basculer en compréhension bienveillante, juste parce que l’un des interlocuteurs accepte de « faire autrement » et d’écouter avec son cœur.

Face à la valorisation historique du « faire » dans notre société, prendre le temps « d’être » avec l’autre, la vie, le mouvement, peut changer la donne.

Lâcher le « faire » dans la relation à la vie : s’il y aura toujours des choses à faire, les choses accomplies en prenant le temps d’être apportent bien plus de satisfaction.

Ainsi, c’est faire telle tache parce qu’elle correspond à un certain besoin et assumer le choix ainsi fait.

Cette prise de conscience est intérieure et ne viendra pas de l’extérieur : personne ne peut le voir pour autrui, et regarder la vie au-delà des conditions de vie permet de se rapprocher de son enchantement plutôt que d’aggraver la peine de conditions matérielles éprouvantes.

Souvent, l’estime de soi est à la merci du regard de l’autre : c’est la dépendance au regard de l’autre. Or, être libre, c’est aussi accepter de déplaire !

Accepter et reconnaitre le manque plutôt que de se mentir en prétendant que tout va bien ;

Accepter de s’engager, de cultiver l’estime de soi plutôt que de se résigner en prétendant qu’il n’y a rien à faire.

La différence peut paraitre menaçante : cette peur de la différence conduit à « rentrer dans le rang » et les personnes qui osent vivre les choses différemment sont alors considérées comme dangereuses.

Or la gestion des conflits passe par la juste estime de soi : pas besoin d'argumenter pour convaincre, ou de se soumettre pour éviter le conflit.

Il s’agit de traverser le conflit grâce à un centre de gravité bien lesté de confiance en soi, telle la quille d’un voilier dans les intempéries.

Mais il faut aussi une capacité d’accueil de la différence, car l’accueil de l’autre permet de vivre la différence comme une occasion de s’enrichir.

Souvent, il est difficile de dire non à la bonne personne, à temps et dans la bonne mesure : ainsi ce n’est pas l’autre qui est envahissant, mais soi-même qui n’arrive pas à marquer ses limites, et les conflits proviennent souvent de la difficulté à exprimer clairement les besoins et les demandes.

Il est difficile d’être heureux en disant oui à tout et apprendre à dire non, à temps, dans la bonne mesure et à la bonne personne demande un travail, qui n’est pas nécessairement confortable.

Mais dire simplement « non » n’est pas très attrayant, alors qu’à l’inverse, préciser ce à quoi on dit « oui » quand on dit « non », c’est-à-dire les raisons qui expliquent ce refus permet à l’autre de ne pas vivre le refus comme une porte fermée, mais comme une réorganisation des priorités de son interlocuteur.

Souvent, il n’a pas été fait de l’apprentissage du bon usage de tous les sentiments. Ainsi, il apparait que dans notre culture « d’intellectualisation », nous prenons des risques :

Celui du submergement : C’est-à-dire le fait d’être victime d’une perte de conscience passagère en plongeant tout entier dans un état, et en perdant de vue tout le reste.

Il est nécessaire alors d’apprendre à s’occuper de chacune de ses émotions, de les écouter et de les utiliser ;

Celui de la coagulation d’une partie de soi, comme un attachement au submergement, qui n’est alors plus passager.

C’est en apprenant à nommer ce qui se passe en soi qu’est appréhendée la maitrise des sentiments.

Il peut être utile, pour faire cet apprentissage, de se reporter la liste des sentiments éprouvés lorsque les besoins sont satisfaits, à celle des sentiments éprouvés lorsque les besoins ne sont pas satisfaits ou encore à celle des sentiments comprenant des interprétations et des jugements. Le but est d’aider à nommer ce qui est ressenti.

La colère et la peur sont des expressions : la capacité d’exprimer sa colère à temps, dans une bonne mesure et à la bonne personne peut permettre de la transformer en une sorte de colère non violente.

De la même manière, plutôt que d’être submergé par la peur, il est nécessaire d’apprendre à cohabiter avec elle, comme avec les autres sentiments, même si ce n’est pas toujours confortable.

La joie, la confiance et l’enthousiasme peuvent constituer un stress de plus. Dans la culture du malheur commun à notre société, se réjouir de façon durable peut paraitre suspect.

Accéder à des émotions de joie, s’autoriser à les vivre et à les partager représente, comme pour les émotions désagréables, une sorte de stress.

Or se nourrir de bonne nouvelles, c’est avoir une sorte d’hygiène de la conscience : l’être psychique a besoin de ces bonnes émotions pour contribuer à la santé de l’individu.

Faut il broyer du noir ou croquer du frais ? On oublie souvent de prendre conscience de ce qui va bien et de ce qui nous réjouit, et de savourer en toute conscience les moments joyeux.

Pourtant la joie et la gratitude sont de puissants leviers de transformation dont faudrait apprendre à se nourrir pour renforcer notre immunité et notre force intérieure.

Une étude statistique indique que les personnes qui veillent à vivre quatre à cinq moments de gratitude chaque jour se révèlent souvent en bien meilleure santé, et démontrent plus de bienveillance vis-à-vis des autres.

Il existe un petit exercice de visualisation pour lâcher le gout du drame et l’attachement au tragique :

Apprendre à se réjouir intensément de ce qui va bien et à en ressentir de la gratitude, sans pour autant ignorer ce qui ne va pas bien ;

Se sentir ainsi vivant et heureux d’être en vie dans un monde vivant ;

Etre davantage ancré dans un bien être intérieur, ne pas chercher à atténuer son mal être par des mécanismes compensatoires ;

Se tenir au courant du monde sans se gaver de tragédies ;

Faire chuter la popularité des mauvaises nouvelles pour donner plus d’important aux bonnes nouvelles ;

L’énergie qui s’en dégage est contagieuse !

Et ainsi même le deuil sert la vie : il a des deuils, petits ou grands, à faire chaque jour.

Faire le deuil de chemins non choisis permet d’avancer joyeusement sur le chemin choisi, sans rester immobile au carrefour.

Il n’est certainement pas aisé de sortir d’un seul coup, comme par miracle, des différents pièges de la vie, mais le fait d’avoir pris conscience de leur existence peut aider à les débusquer dans la vie quotidienne, étape par étape…

Les illusions tenaces :

La première de ces illusions, c’est l’expression « ça ira mieux demain », ou : ça ira mieux quand les enfants seront grands, quand ce sera la retraite…

Cette attente du « bon moment » peut générer un profond mal être à l’origine de mécanismes compensatoires.

Or, vivre, c’est maintenant : le bonheur n’est pas une destination mais une façon de vivre au jour le jour.

La seconde de ces illusions, c’est lorsque « les désirs et les envies sont les besoins ». la confusion entre envie, désir et besoin est récurrente et dispersante ; il est alors indispensable d’apprendre à les différencier.

Les besoins sont simples, constants, partagés par la plupart des être humains, et dépendent peu des circonstances (par exemple, le besoin d’être nourri, le besoin d’amour)

Les envies et désirs sont multiples, fluctuants, variables selon l’âge, la culture et le mode de vie, et sont très dépendants des circonstances (par exemple le désir pour tel aliment, ou le désir de tendresse qui s’avère variable et culturel).

Or nous n’avons pas forcément besoin de ce que nous avons envie, et nous n’avons pas forcément envie de ce que nous avons besoin !

Le discernement entre envie et besoin correspond à un principe d’hygiène individuelle (c’est-à-dire toute pratique bienveillante et rigoureuse de nature à nous aider à se décrasser d’habitudes de pensées et d’habitudes de langage).

Cette distinction fait appel à une intériorité citoyenne, qui a un impact social considérable : faire le choix de la simplicité volontaire (moins de biens, plus de liens en est la devise, et renvoie à la sobriété heureuse de Pierre RABBI), comme un art de vivre sobrement, plutôt que d’épuiser la planète à fabriquer des gadgets (alors destinés à compenser le mal être existentiel des êtres humains ne connaissant plus leurs besoins fondamentaux).

La troisième illusion voudrait qu’il y a des choses qu’il faut faire dans la vie, qu’on le veuille ou non.

Or, sauf contrainte physique, le principe reste la liberté : il n’existe pas de « il faut… Je dois… » qui résiste à l’exercice du discernement (pourquoi je fais cela, à quoi je tiens vraiment ?).

Il est bien plus agréable de choisir de faire ce que l’on fait pour ce que l’on aime, plutôt que de se dire qu’on le fait par obligation. Ce décodage permet de rendre les personnes pleinement libres et responsables de ce qu’elles font, comme des conséquences de ce qu’elles font.

La quatrième illusion s’apparent à : « si je fais un choix, ce choix sera certainement tout confort ».

Or, ce n’est pas parce qu’un choix est inconfortable qu’il n’est pas un choix…

La liberté ce n’est pas faire ce que je veux mais c’est faire ce que je choisis de faire en acceptant les conséquences désagréables de ce choix.

La cinquième illusion, c’est de croire que je suis responsable de tout, ou, au contraire, je suis responsable de rien. Il s’agit de la culpabilité, et de son revers, l’indifférence.

Alors qu’en pratique il y a une interaction : il s’agit pour chacun de comprendre sa part de responsabilité et de l’assumer, mais aussi de comprendre ce qui n’est pas de sa responsabilité et de l’accepter.

Cependant il n’existe pas de transformation miracle : il est nécessaire envisager un développement, prendre le temps de vérifier entre le faire et l’être, entre le oui « dit » et le non « ressenti ».

Pratiquer un exercice de développement de sa vigilance sur tous ces éléments, permet de faire naitre une agilité nouvelle permettant de nourrir la conscience « d’être ».

En conclusion, il faudrait retenir d’avoir à :

pacifier le rapport au temps, préalable à la pacification son rapport à la vie et aux gens. Il s’agit d’un véritable apprentissage, celui d’affiner la compréhension profonde du sens de la vie ;

accepter un inconfort majeur : celui d’être un être infini (rêver d’avoir le temps de tout faire, l’illusion de pouvoir tout maitriser) coincé dans un corps fini… ! Cette dimension infinie peut être nourrie grâce à la spiritualité pour certains, ou la contemplation de la nature pour d’autres.

Il s’agit d’apprendre à prendre soin de cette dimension, pour éviter toute frustration ou amertume d’être coincé dans un espace-temps, pour éviter l’enclenchement de mécanismes compensatoires (dépendances diverses, avidité puis violence sur soi ou les autres).

Pour ressentir un état de paix intérieure (devenant alors plus stable et contagieux), apprendre à quitter petit à petit les zones de confort sécurisantes pour découvrir de nouveaux angles de vue, une vision plus large et de nouvelles perspectives.

Il s'agit d'apprendre à défaire les amarres de ce qui entrave, apprendre à lever le mat et ouvrir la voile, comme une sorte de travail de discernement et d’ouverture de la conscience.

C’est souhaiter à tout le monde de trouver la paix du cœur à travers cet étonnant parcours initiatique qui s’appelle la vie, et ce alors que notre monde a besoin de concitoyens pacifiés et pacifiants, inspirés et inspirants.

L'auteur

Stéphanie BAUDOT

Avocat associé - Barreau de ALBERTVILLE - Barreau de EVRY/ESSONNE

DROIT CIVIL, DROIT DES CONTRATS, DROIT DE LA CONSTRUCTION, DROIT RURAL, DROIT DE LA COPROPRIETE, DROIT DE L'URBANISME, DROIT DU SPORT, DROIT IMMOBILIER


Spécialiste en :
  • Droit immobilier
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